Réflexion..
« La caricature est une arme puissante. Mais une arme sans violence. Elle m’a sauvée. Je suis arrivé en Belgique en 1976 à l’âge de 13 ans, avec mon père et mes frères en fuite. Nous étions réfugiés politiques, mon père avait été torturé pendant deux ans dans les prisons turques et il avait été condamné à la pendaison. Etre communiste, à l’époque, c’était pire qu’être terroriste…
Enfant, j’étais très bon en lecture parce que mon père me demandait de lui faire une revue de presse avec 4 ou 5 journaux, tous les matins. J’étais le plus rapide, c’était ma grande fierté et j’avais décidé que je serais journaliste à la télévision. Mais arrivé ici, mes rêves se sont effondrés. Ma mère était morte, je ne parlais pas le français, nous étions très pauvres, j’étais en manque de tout et surtout de repères. Et puis, peu à peu, je m’en suis sorti. En 1993, j’ai été touché par l’assassinat d’un journaliste turc, j’ai exprimé ma tristesse avec un dessin. Cette caricature a été primée. Pour la première fois depuis le début de l’exil, je ne me sentais plus vide. J’ai enfin eu l’impression de prendre une part active dans ma vie. Dès ce moment, je n’ai plus cessé de gratter le papier avec des caricatures. C’est ma manière de rester vivant.
J’aurais pu continuer à être graphiste pour un patron, mais je sens que ma place est auprès des jeunes, surtout ceux qui sont démunis. Pour moi, la définition de l’art c’est d’être attentif à l’autre. La plus grande pauvreté, n’est pas celle des poches vides mais celle de l’ignorance. Hélas, elle se généralise ! Il y a une génération de jeunes façonnés par la télé et les jeux vidéo, qu’ils soient riches ou pauvres, immigrés ou Belges. Dans beaucoup de famille, on ne lit plus. Je les bouscule. Je les provoque avec mes dessins. Parfois, il y a des discussions franches parce qu’ils ne sont pas d’accord avec mes caricatures. Je les titille sur la tradition, sur les hypocrisies, je les incite à se poser des questions. Je leur dis qu’ils ne doivent pas accepter des vérités toutes faites, que de trouver leurs réponses, ça prend des années, ça passe par beaucoup de lectures, par des visites d’expos… Toutes ces choses qui font réfléchir. J’aime les emmener voir des expositions parce que cela provoque des réactions chez eux, il y a des œuvres qui peuvent bouleverser et vous faire voir la vie différemment.
Ce que je voudrais leur transmettre, c’est qu’il y a moyen d’être maître de sa vie. De ne plus accepter qu’on parle d’eux à leur place. Cette année, nous allons donc lancer notre propre journal de quartier, « Le zonard enchaîné », où les jeunes vont pouvoir s’exprimer à travers des dessins et des textes. Je sais qu’il y a moyen de se débarrasser de ses démons, de s’en sortir. Le dessin est l’une des clés pour y arriver ».
Ismail Dogan, graphiste, caricaturiste et animateur artistique à l’asbl Coin d’art. Les cours de caricatures sont ouverts aux jeunes à partir de 12 ans. Coin d’art asbl, 29 rue Van Lint à 1070 Bruxelles.
« La caricature est une arme puissante. Mais une arme sans violence. Elle m’a sauvée. Je suis arrivé en Belgique en 1976 à l’âge de 13 ans, avec mon père et mes frères en fuite. Nous étions réfugiés politiques, mon père avait été torturé pendant deux ans dans les prisons turques et il avait été condamné à la pendaison. Etre communiste, à l’époque, c’était pire qu’être terroriste…
Enfant, j’étais très bon en lecture parce que mon père me demandait de lui faire une revue de presse avec 4 ou 5 journaux, tous les matins. J’étais le plus rapide, c’était ma grande fierté et j’avais décidé que je serais journaliste à la télévision. Mais arrivé ici, mes rêves se sont effondrés. Ma mère était morte, je ne parlais pas le français, nous étions très pauvres, j’étais en manque de tout et surtout de repères. Et puis, peu à peu, je m’en suis sorti. En 1993, j’ai été touché par l’assassinat d’un journaliste turc, j’ai exprimé ma tristesse avec un dessin. Cette caricature a été primée. Pour la première fois depuis le début de l’exil, je ne me sentais plus vide. J’ai enfin eu l’impression de prendre une part active dans ma vie. Dès ce moment, je n’ai plus cessé de gratter le papier avec des caricatures. C’est ma manière de rester vivant.
J’aurais pu continuer à être graphiste pour un patron, mais je sens que ma place est auprès des jeunes, surtout ceux qui sont démunis. Pour moi, la définition de l’art c’est d’être attentif à l’autre. La plus grande pauvreté, n’est pas celle des poches vides mais celle de l’ignorance. Hélas, elle se généralise ! Il y a une génération de jeunes façonnés par la télé et les jeux vidéo, qu’ils soient riches ou pauvres, immigrés ou Belges. Dans beaucoup de famille, on ne lit plus. Je les bouscule. Je les provoque avec mes dessins. Parfois, il y a des discussions franches parce qu’ils ne sont pas d’accord avec mes caricatures. Je les titille sur la tradition, sur les hypocrisies, je les incite à se poser des questions. Je leur dis qu’ils ne doivent pas accepter des vérités toutes faites, que de trouver leurs réponses, ça prend des années, ça passe par beaucoup de lectures, par des visites d’expos… Toutes ces choses qui font réfléchir. J’aime les emmener voir des expositions parce que cela provoque des réactions chez eux, il y a des œuvres qui peuvent bouleverser et vous faire voir la vie différemment.
Ce que je voudrais leur transmettre, c’est qu’il y a moyen d’être maître de sa vie. De ne plus accepter qu’on parle d’eux à leur place. Cette année, nous allons donc lancer notre propre journal de quartier, « Le zonard enchaîné », où les jeunes vont pouvoir s’exprimer à travers des dessins et des textes. Je sais qu’il y a moyen de se débarrasser de ses démons, de s’en sortir. Le dessin est l’une des clés pour y arriver ».
Ismail Dogan, graphiste, caricaturiste et animateur artistique à l’asbl Coin d’art. Les cours de caricatures sont ouverts aux jeunes à partir de 12 ans. Coin d’art asbl, 29 rue Van Lint à 1070 Bruxelles.
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